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La question de l’éthique narrative


(Photo prise au parc Émilie Gamelin, en aout 2007)

Introduction :

L’éthique narrative (EN) porte une attention particulière aux récits des divers acteurs d’une situation médicale (malade, famille, soignants, assistants sociaux ou administrateurs). « La narration étant un reflet de l’expérience éthique individuelle, cette approche considère que la narrativité est une catégorie éthique ayant une part essentielle dans l’élaboration d’un jugement éthique en situation de soin (1) ».

Résumé :

L’expression « EN » peut sembler, à première vue, un pléonasme. Toutes démarches éthiques nécessitant une narration certaine. La différence étant que l’EN cherche à faire parler tous les acteurs en jeu dans la relation qui mène au jugement clinique. Même le patient! L’idée a été utilisée au début par les enseignants en médecine afin de sensibiliser les étudiants à la nature interprétative de l’activité médicale. Cela a permis d’approfondir l’étude de la dimension narrative de la rencontre médecin-malade. « La narration est dès lors apparue comme une médiation centrale du dialogue constitutif de la relation thérapeutique (2). » Cécile Lambert montre que pour un nombre grandissant de soignants, les pratiques du prendre soin sont présentement en péril et que, pour retrouver l’art de soigner, l’approche narrative peut s’avérer utile (3).

L’une des forces importantes de l’EN est le fait qu’elle facilite l’exercice de la sagesse pratique médicale. Cette sagesse pratique – qui évoque la prudence – étant une vertu qui permet à un agent moral d’accomplir la meilleure action possible dans une situation singulière. Aussi, « en stimulant la créativité éthique des agents de la sollicitude médicale, l’approche narrative peut développer l’attention de ces derniers aux dimensions philosophique et politique de l’entreprise éthique (4) ».

Exemple pratique de son utilisation :

Imaginons le cas d’une victime de harcèlement moral qui subit une évaluation psychiatrique. Le patient est convoqué à cet « examen de santé mentale» contre son gré. Dans ce cas précis, sans l’outil de la narrativité éthique, il est peu probable que l’on puisse agir avec bienfaisance à l’égard du patient, pour au moins deux raisons. Premièrement, le médecin risque de ne pas savoir identifier cette situation dramatique (parce qu’il ne connait pas les réalités et subtilités du harcèlement moral); secundo, le patient n’est pas en mesure de comprendre donc de raconter sa propre histoire.

Un bel exemple de l’apport de la narrativité en éthique clinique est l’ouvrage de la psychiatre Marie-France Hirigoyen, publié en 1998 : Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, traduit en 27 langues. Elle y décrit, par exemple, en parlant des harceleurs :

« Ces individus ne peuvent exister qu’en cassant quelqu’un [...] ils savent naturellement manipuler […] On les craint également, car on sait instinctivement qu’il vaut mieux être avec eux que contre eux. C’est la loi du plus fort […] Ce type d’agression consiste justement en un empiètement sur le territoire psychique d’autrui […] Les psychiatres eux-mêmes hésitent à nommer la perversion ou, quand ils le font, c’est soit pour exprimer leur impuissance à intervenir, soit pour montrer leur curiosité devant l’habileté du manipulateur (5) ».

« Si les victimes se plaignent parfois de leur partenaire ou de leur entourage, il est rare qu’elles aient conscience de l’existence de cette violence souterraine redoutable et qu’elles osent se plaindre. La confusion psychique qui s’est instaurée préalablement peut faire oublier, même au psychothérapeute, qu’il s’agit d’une situation de violence objective. Le point commun de ces situations est que c’est indicible : la victime, tout en reconnaissant sa souffrance, n’ose pas vraiment imaginer qu’il y a eu violence et agression […] Quand elle ose se plaindre de ce qui se passe, elle a le sentiment de mal le décrire, et donc de ne pas être entendue. J’ai choisi délibérément d’utiliser les termes agressif et agressé, car il s’agit d’une violence avérée, même si elle est occulte, qui tend à s’attaquer à l’identité de l’autre, et à lui retirer toute individualité. C’est un processus réel de destruction morale, qui peut conduire à la maladie mentale ou au suicide. Je garderai également la dénomination de « pervers », parce qu’elle renvoie clairement à la notion d’abus comme c’est le cas avec tous les pervers. Cela débute par un abus de pouvoir (6)… »

Dr Hirigoyen a permis, par ce récit tiré de sa pratique à Paris, non seulement de faire comprendre au monde entier les situations atroces vécues par les cibles de harcèlement moral, mais surtout d'inciter l’instauration de nouvelles lois en Europe et en Amérique, afin de contrer ce type de torture psychique.

Certaines victimes de harcèlement moral affirment que ce livre a complètement transformé leur existence. En mettant des mots sur des situations jusqu’alors incomprises, cette initiative narrative clinique a réellement « sauvé des vies ». Aujourd’hui, l'éthique clinique est en mesure de reconnaitre et d’interpréter les situations de harcèlement moral, de prendre des décisions éclairées, parce qu’on a permis de mettre en contexte ces violences inouïes, les victimes pouvant maintenant faire la restitution narrative de leur propre histoire.

Appréciation personnelle critique et argumentée :

L’éthique narrative représente, selon moi, une approche qui s’insère forcément dans l’analyse de toutes situations présentant un dilemme éthique. Le droit de parole et d’opinion étant une des valeurs fondamentales de toute démocratie, connaitre la position de toutes les parties à un conflit est une nécessité. Cependant, je me demande s’il est facile de prendre position pour aider les plus démunis. Prenons l'exemple du politique Belorgey qui mentionne ce qui se produit en France : « J’ai vu à quelles difficultés, les médecins qui avaient fait le pari de s’intéresser essentiellement à ces malades, à des gens qui n’ont pas beaucoup de ressources ou pas du tout, à des gens pris en charge à 100 %, connaissaient de difficultés dans leurs relations avec les organismes de Sécurité sociale ou avec l’hôpital (7) ». Ce paradoxe éthique évoque l’ampleur des difficultés qui attendent ceux et celles qui désirent aider, notamment, les victimes de harcèlement moral.

Bibliographie :

1 HOTTOIS, G., MISSA, J-N., Nouvelle encyclopédie de bioéthique, Édition De Boeck Université (Bruxelle), 2001, p. 406.

2 HOTTOIS, G., MISSA, J-N., Nouvelle encyclopédie de bioéthique, Édition De Boeck Université (Bruxelle), 2001, p. 407.

3 LAMBERT, C. L’approche narrative : un terrain qui favorise la réaffirmation des pratiques du prendre soin , Notes du cours BIE6008, Bioéthique clinique, Département de médecine de l’UdeM, prof. Andrée Duplantie, automne 2008.

4 HOTTOIS, G., MISSA, J-N., Nouvelle encyclopédie de bioéthique, Édition De Boeck Université (Bruxelle), 2001, p. 408.

5 HIRIGOYEN, M-F., Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, Pocket (Paris), 1998, p. 10-11.

6 HIRIGOYEN, M-F., Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien, Pocket (Paris), 1998, p. 15.

7 BELORGEY, J.M., MOUTEL G. La médecine et la cohésion sociale, Le Courrier de l’éthique médicale (4), no 2, 2e semestre 2004. p. 6.