Le harcèlement moral

 


Le harcèlement moral, contre qui, pourquoi!

La victime typique de harcèlement moral est un individu qui se distingue du groupe, souvent par des aptitudes et un charisme remarquable. Le harcelé possède en général un fort niveau de compétence et un magnétisme qui suscite de la frustration dans son entourage. Dans le cadre de son travail, il est souvent sérieux et s’investi beaucoup dans son activité professionnelle. Ce charisme lui confère une certaine notoriété auprès du groupe. Il résiste à l’influence collective, parce qu’il s’organise très bien par lui-même, parce qu’il est avant tout : autonome.

Un individu incorruptible

Il est reconnu que le harcèlement moral n’intervient que dans un environnement corrompu et manipulateur. Or, il s’avère que le harcelé est très souvent une personne qui présente des qualités positives d’intégrité, d’honnêteté et de loyauté. En somme tout ce qui s’oppose à la manipulation et la corruption. De plus il agace par sa gentillesse, son écoute, sa disponibilité, son humour et sa vitalité, qui contraste avec le profil des harceleurs. En fait, le harcelé est une personne qui s’avère être : « très bien dans sa peau ».

Vous vous demandez alors : mais, pourquoi le harcèlement moral se met-il en place? C’est précisément l’une des raisons pour lesquelles je vous implore, ici, de venir en aide aux victimes de ce fléau. Les victimes sont harcelées parce que l’entourage ne réagit pas, parce que le harcelé ne possède aucun soutien qui puisse faire peur au harceleur qui s’estime alors sous le régime de l’impunité. En vérité des gens sont harcelés et totalement détruits, souvent jusqu’à y laisser leur propre vie, pour la seule raison que nous restons là, passifs, observateurs de ces monumentales injustices. Et ça, lorsqu’on n’est pas amené à y contribuer directement!

Une victime est nécessairement coupable!

Vous devez vous dire, comme bien d’autres, qu’il n’y a pas de fumée sans feu […] dans le sens où la victime doit bien y être pour quelque chose! Or, sachez que dans le harcèlement moral la victime est victime parce qu’elle a été désignée par l’agresseur. « Elle est, en tant que victime, innocente du crime pour lequel elle va payer » affirme Dr Marie-France Hirigoyen1, instigatrice de la doctrine.

Ariane Bilheran, docteur en psychologie clinique, résume que le processus du harcèlement moral vise la destruction progressive d’un individu au moyen de pressions répétées destinées à obtenir de force quelque chose contre son gré et, ce faisant, à susciter et entretenir un état de terreur chez l’individu.

C’est par la fréquence et la répétition sans cesse d’agissements qui visent à détruire la cible « à petits feux », souvent sur de nombreuses années, que ce processus devient dévastateur. Le dossier qui porte atteinte à la victime est monté de toute pièce dans le but bien précis d’inciter les autres à l’attaquer. Le commérage et la calomnie représentant les armes essentielles des pervers contre leurs cibles.

Objectif primordial : retirer l’autonomie à la victime!

Le plan de destruction imaginé par les harceleurs, comme toute attaque prédatrice, vise à couper les ressources de la proie. Or, il s’avère que la meilleure manière d’anéantir un individu, professionnel, est de lui faire perdre son emploi. Le travail que nous exerçons étant, dans nos sociétés, la chose la plus importante qui puisse exister; l’œuvre qui nous représente! Surtout lorsqu’on a passé une grande partie de notre vie à nous investir pour obtenir ce privilège. Ce fait expliquerait le taux de suicide important chez les cibles de harcèlement individuel.

Un crime sans coupable ni preuves!

Ce plan d’éradication des cibles relevant de ces catégories d’agressions qui mettent dangereusement en cause l’intégrité des victimes, il s’agit avant tout d’un acte criminel! Cependant, il a ceci de particulier : contrairement au harcèlement sexuel ou physique, « il y a destruction de la victime, mais en gardant l’apparence de l’innocence et de la légalité2 ».

Rappelons que le harcèlement moral viole, quels que soient les sujets, des composantes universelles des droits fondamentaux de l’homme, tel que le droit à l’intégrité, au respect de l’intimité psychique et physique de la personne, notamment. Toutes ces atteintes sont des atteintes à l’humanité et à la dignité, parce qu’elles refusent à l’autre le droit à une vie autonome.

Ce qui diffère également, c’est que les agressions ont lieu le plus souvent à l’insu de la victime. Par exemple, en instaurant des rumeurs au sujet du harcelé, de façon à nuire définitivement à sa réputation : accusation de pédophilie, de folie, dévoilement au grand jour de sa vie privée, accusation de vol, de menaces de mort, de consommation de drogue ou de trafic de stupéfiants. Le harceleur est particulièrement habile à « monter un dossier » qui porte immanquablement préjudice à la cible.

Avant de prévenir, il faut reconnaître le problème

Nous devons saisir toute l’importance de faire reconnaître socialement ce phénomène. Personnellement, je n’avais jamais entendu parler de ce sujet avant 2005. Il est impératif de faire comprendre l’importance de la société dans le harcèlement moral, qui est, rappelons-le, une pathologie sociale. Pour lutter contre cette manière totalitaire d’agir à l’égard des citoyens, il faut s’impliquer réellement afin de protéger, guérir et réparer les victimes de harcèlement moral. Selon Ariane Bilheran, on ne peut travailler à la prévention sans réparer les victimes actuelles.

Docteure Bilheran affirme à ce propos : « Tout d’abord, il s’agit de reconnaître les victimes ainsi que les horreurs qu’elles ont vécues. À la lésion sociale doit se substituer la reconnaissance sociale. Cette reconnaissance sociale est nécessaire pour la réhabilitation de celui qui a été banni d’un groupe. Ensuite, il s’agit d’un besoin de justice. La justice doit avoir la latitude et le devoir d’intervenir comme autorité morale garante de cette réintégration sociale. Toute agression réclame restauration, et cette restauration est toute aussi essentielle pour les harcelés que pour n’importe quelle autre victime d’agression3 ».

Qui vient en aide aux victimes?

Actuellement, au Québec, aucune structure ni personne ne vient en aide aux victimes de harcèlement moral chez les professionnels. Notons qu’il est toujours risqué de tenter d’aider une vraie cible puisque le redoutable système agresseur menace de s’en prendre à nous. Les victimes vivent de ce fait dans l’isolement total, condamnées au sein du groupe qui les harcèle. Il est donc grand temps qu’on se regroupe pour dénoncer et combattre ce fléau sociétal. Je propose, dans la circonstance, de mettre sur pied un groupe d’aide aux victimes de harcèlement moral au Québec.

Je sais que la tâche est énorme et les obstacles gigantesques. C’est un combat contre le déni d’un phénomène archaïque, indompté, solidement implanté dans l’inconscient collectif. Il s’agit d’une lutte que nous devons mener, avec force, inlassablement, au nom des droits les plus fondamentaux de l’espèce humaine. Le droit à la sécurité, le droit à la dignité et le droit à la vie.

Référence :

1 HIRIGOYEN Marie-France,
Le harcèlement moral Paris, Pocket, 1998. p. 165.

2 BILHERAN Ariane,
Le harcèlement moral Paris, Armand Colin, 2006. p. 18.

3 BILHERAN Ariane,
Le harcèlement moral Paris, Armand Colin, 2006. p. 121.

HARCÈLEMENT, 2010.

Pour de plus amples définitions, vous pouvez consulter le dossier de l’inrs sur le harcèlement moral.